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Fiche 7 : Valorisation des sargasses : l’agriculture, l’agroalimentaire et les cosmétiques

Compost-algeanova

L’utilisation des sargasses dans le secteur de l’agriculture

Avec le temps, les techniques de valorisation des sargasses évoluent, certaines ont fait leurs preuves notamment dans le secteur de l’agriculture, et les perspectives et nouvelles opportunités se précisent. Le taux de potassium, de magnésium et de calcium présent dans les algues sont très intéressants pour les sols, sans compter leur vertu antiparasitaire mais à l’origine, les sargasses présentent plusieurs inconvénients majeurs (gaz et métaux lourds entre autres) mais les nombreuses analyses révèlent que sous forme de compost ou d’épandage, les sargasses sont de réels atouts à condition que leur transformation soit méticuleusement contrôlée. Les normes sanitaires françaises en vigueur notamment concernant le compost, imposent que la quantité de métaux lourds ne dépasse pas le seuil de 0,7 mg par kilo mais bien que la norme (européenne) soit l’une des plus strictes, il est à noter que si 0,7 mg de métaux lourds étaient présents par kilo, la quantité resterait trop élevée pour les sols qui seraient dégradés.

D’abord, en termes de volumes et de coûts, la matière nécessite peu d’équipements techniques et a la capacité de fournir un bon apport de matières organiques et de minéraux, notamment lorsqu’elles sont utilisées pour de l’épandage. Le compostage représente un coût plus élevé puisque les installations de transformation nécessitent un niveau technique plus complexe. En revanche, le compost permet un apport plus élevé que l’épandage dans la mesure où les nutriments sont plus concentrés grâce aux techniques de fabrication.

Compost-algeanova

La méthode de collecte des algues influe sur le traitement de celles-ci en amont de leur transformation, le sable dont la quantité peut être plus ou moins importante, et le sel de mer peuvent impacter l’équilibre et la qualité des sols. Aussi, les sargasses, de leur prolifération à leur échouage, ont une capacité de bioaccumulation des métaux lourds et des agents chimiques présents dans l’eau (arsenic, chlordécone etc…) mais les études menées montrent que le problème peut être pallié par un dosage approprié de sargasses. Pour l’épandage par exemple, il est recommandé d’utiliser 5000 tonnes d’algues maximum par hectare, mais la réalité est bien en deçà de ce chiffre puisque 20 à 40 tonnes seulement sont utilisées en moyenne dans les Antilles françaises comme dans les autres pays de la Caraïbe.

En Martinique, la société Holdex Environnement est spécialisée dans le compostage industriel, et propose la prise en charge gratuite des sargasses collectées (jusqu’à 6000 mètres cubes par mois), seule société à opérer de la sorte à ce jour dans la Caraïbe. Les sargasses sont cependant présentes en faible quantité, mélangées immédiatement après collecte à d’autres déchets verts (comme la bagasse de canne à sucre) mais toujours est-il que le produit fini répond aux normes environnementales, et même aux normes de l’agriculture biologique. C’est également le cas en Guadeloupe mais de manière anecdotique.

En République Dominicaine, la société Algéanova gère la pose des barrages, la collecte des sargasses en mer, et leur transformation en compost. L’entreprise transforme près de 540 mètres cubes par semaine en compost, les algues fraîchement collectées sont étalées en rangées et séchées, puis aspergées d’un mélange bactérien qui leur permet de se dégrader rapidement. Elles sont ensuite mélangées avec des morceaux de bois et du bois concassé, puis passeront pendant 60 jours par différents processus de traitement. Le produit fini est commercialisé aux agriculteurs, notamment aux cultivateurs de cacao et le verdict est sans appel, le compost à base de sargasse permet d’aérer et alléger la terre et d’améliorer les
rendements.

Compost-Holdex

A Sainte Lucie, les sargasses sont utilisées en biostimulants, elles deviennent alors des supports de germination permettant d’augmenter là encore les rendements des cultures.
Algas Organic, la marque sous laquelle Johanan Dujon, jeune créateur et entrepreneur de la société commercialise ses biostimulants dans toute la Caraïbe, utilise une quantité massive d’algues pour produire ses engrais biologiques. Algas Organic devrait s’implanter à terme dans d’autres pays de la Caraïbe, en Amérique du Nord et en Afrique. D’autres voies de valorisation dans le secteur agricole, notamment l’utilisation dans l’alimentation porcine, sont toujours à l’étude mais les premières analyses révèlent une présence trop élevée des métaux lourds qui combinée à l’extraction indispensable du sable, nécessitent beaucoup de traitements coûteux. Aussi, les intérêts nutritifs pour les animaux sont faibles.

Compost-algeanova

Les sargasses et la cosmétique

Dans d’autres applications, les sargasses ont aussi des propriétés bénéfiques au niveau des cosmétiques. Le premier producteur mondial de produits pour la peau à base de sargasses est une entreprise barbadienne, fondée par deux chimistes (Kemar Codrington et Mikhail Eversley), diplômés de l’Université des Antilles de la Barbade : Les laboratoires OASIS.

Depuis 2018, date de la création du laboratoire et du développement des produits, les cosmétiques sont commercialisés de par le monde, essentiellement dans la Caraïbe. Cependant, la Barbade étant un état insulaire en développement, l’entreprise qui a développé sa gamme de soins cosmétiques pour le corps Ocean s’est autofinancée et a bénéficié de soutiens du Student Entrepreneurial and Empowerment Development. L’entreprise a également pu s’associer avec quelques éco-hôtels. La plupart des procédés commencent par une extraction des alginates contenus dans les algues, fondamentales en tant que gélifiants pour les crèmes et autres produits pour le corps. Cette famille de molécules, sous forme d’acides alginiques, alimente les différentes industries qui mettent en œuvre divers procédés biochimiques sur cette matière première.

L’extraction d’alginate de sodium est une méthode dans laquelle la biomasse d’algues peut être utilisée pour produire un biopolymère*, c’est-à-dire un assemblage de plusieurs molécules. Cependant, la transformation actuelle à partir des sargasses donne généralement de faibles rendements et de qualité légèrement inférieure par rapport aux matières conventionnelles, ce qui la rend peu attrayante pour la commercialisation. Une étude caribéenne estime un rendement annuel de 9000 tonnes d’alginates pour 30 000 tonnes de sargasses (soit 30% des sargasses collectées), à condition que l’investissement financier initial des états soit en moyenne de 5 millions d’euros. Les recherches se poursuivent pour améliorer ces aspects du traitement et du rendement des sargasses.

Certains composants de sargasses révèlent également des capacités anti-inflammatoires. Un pouvoir intéressant dans la mesure où les inflammations chroniques sont la source de nombreux problèmes de peau, certains chercheurs évoquent par ailleurs certains types d’inflammations comme étant la cause du vieillissement de celle-ci. Une grande quantité de sargasses est également envoyée des Antilles vers l’hexagone, où plusieurs fabricants de cosmétiques (comme « Yanne Wellness » en Bretagne, Normandie etc…) utilisent ces algues pour des soins de peau. En poudre exfoliantes ou en masques revitalisants, les sargasses dont les extraits peuvent être combinés avec d’autres extraits d’algues vertes ou d’algues brunes, attirent de plus en plus.

En cosmétique, les projets de valorisation se développent en même temps que les programmes de recherche et appels à projets fleurissent. Ces perspectives de valorisation imposent un rendement régulier et donc des arrivages qui le sont autant, or les échouages de sargasses sont des phénomènes naturels et donc par définition plus ou moins aléatoires.

*Biopolymère : les matériaux biopoymères sont constitués de matières premières biogéniques (organiques et renouvelables) et biodégradables.
Il s’agit d’une différenciation par rapport aux matières conventionnelles à base de pétrole et qui ne sont pas biodégradables.

Sources

CNRS
guadeloupe.gouv.fr
Etude sur l’impact environnemental de l’épandage des Sargasses en Guadeloupe,
Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)
http://www.saint-barth-saint-martin.gouv.fr/
Ministère de l’Agriculture
http://www.govt.lc/
Le phénomène d’échouage des sargasses dans les Antilles et en Guyane (2016)

Libération
Préfecture de la Martinique
Global Voices
www.larecherche.fr/environnement
Antilla-martinique.com
Martinique 2030
Comparative environmental assessment of valorization strategies of the invasive macroalgae Sargassum muticum (Pérez-Lopez, 2014)