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Fiche 2 : Hypothèses sur les arrivées des sargasses

Comment les sargasses
arrivent-elles dans la Caraïbe ?

L’augmentation de la salinité des océans et la hausse des températures des eaux modifient le sens des courants, ce qui favoriserait les déplacements des algues vers des zones habitées (la Caraïbe, le golfe du Mexique, la Guyane etc…). Il ne s’agit plus d’une seule zone précise concernée par ces phénomènes (comme la zone nord équatoriale au large de la Floride et des Bermudes), mais de la globalité des océans et des mers limitrophes.

Par ailleurs, si l’on observe les trajectoires des courants marins, celles-ci correspondent aux migrations massives des sargasses. La principale trajectoire de migration des sargasses observée en 2018 correspond aux courants qui partent du delta du Congo, passent par le large du Brésil jusque la Caraïbe et le golfe du Mexique.

La zone Caraïbe et Est de la Floride est un carrefour de courants marins, puisque les courants qui partent du sud du Brésil et du delta du Congo s’y rejoignent, y tourbillonnent, avant de se diriger plus au nord du globe. C’est à cet endroit que la mer des sargasses originelle se trouve. Cf Carte des courants marins et relevés satellites des présences de sargasses. La Caraïbe n’est plus la seule concernée. En 2014 et 2015, il s’est également produit des échouages en Afrique, des côtes de Sierra Leone jusqu’au Bénin.

Courants et sargasses

La mer originelle des sargasses

Pour comprendre les différentes hypothèses sur les mouvements des sargasses, il faut d’abord se pencher sur la mer originelle des sargasses dont l’existence est relevée par Christophe Colomb en 1493 lors de sa traversée de l’Atlantique. Cette mer des sargasses se situe au large des Bermudes et de la Floride, au coeur d’un gyre* océanique. Ces courants, tourbillonnants entre le large de l’Est des États-Unis, le sud de l’Europe et l’Ouest du continent Africain, sont à l’origine d’une zone marine caractérisée par son absence de vents et de houle (cf carte). Ces courants retiennent la mer des sargasses mais certaines portions de radeaux sont régulièrement libérées de ce gyre océanique, s’éparpillant dans l’Atlantique.

* Le terme de gyre s’applique à de gigantesques tourbillons d’eau que l’on trouve dans les océans. Les gyres résultent des courants marins. Ils sont provoqués par la force de Coriolis et tournent donc dans le sens des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère Nord et dans le sens inverse dans l’hémisphère Sud.

Mer originelle des sargasses

Les mouvements des sargasses et les courants marins

Plusieurs expéditions marines ont été menées pour tenter de comprendre, au travers de prélèvements d’échantillons d’algues et d’analyses des eaux, comment les sargasses évoluent dans les océans, et les trajectoires que suivent les bancs. Une corrélation certaine avec les courants est à noter. Les études des données satellites, combinées à ces échantillons permettent de conclure que les invasions survenues notamment depuis 2011 se développent à partir d’amas d’algues naturellement présents dans les Tropiques. Ces arrivages proviennent aussi pour une partie de la mer originelle des sargasses située au large de la Floride.

Les scientifiques de l’université de Floride Sud ont constaté que les phénomènes de déplacement des sargasses pourraient être connectés à un facteur : les courants ascendants venus de l’Afrique de l’Ouest qui favoriseraient notamment la remontée des nutriments à la surface, les rendant accessibles pour les algues, et ce de manière plus ou moins prévisible.

EMOB Travail sous les sargasses
EMOB prelevement sous les radeaux

Le réchauffement climatique, hypothèse la plus soutenue

L’hypothèse la plus soutenue concerne le réchauffement climatique qui risquerait à terme, de favoriser davantage encore le déplacement des bancs d’algues. Il serait à l’origine de la modification des courants marins notamment l’AMOC, qui est un ensemble de courants régulateurs des températures du globe, à la fois de l’air et de l’eau. Depuis une cinquantaine d’années, les scientifiques constatent que l’AMOC a perdu 15% de son débit, ceci impliquerait une modification de la composition biogéochimique* de l’eau (l’on note par exemple une augmentation de 35% de teneur en azote dans les tissus des sargasses entre 1980 et 2010, signe d’enrichissement en nutriments de l’eau). Cela dans la mesure où le réchauffement climatique ralentit l’AMOC, et le ralentissement de l’AMOC accentue le réchauffement climatique. Aussi, les scientifiques redoutent qu’à l’avenir, les zones d’eaux plus chaudes soient plus étendues (et non plus seulement cantonnées à la zone équatoriale) et seront ainsi probablement de nouvelles zones de prolifération des sargasses.

*La biogéochimie est la discipline scientifique qui traite de la transformation et du devenir de la matière, notamment de la matière organique et des éléments majeurs dans la biosphère, par l’effet des processus biologiques, chimiques et géologiques.

Vers une pérennisation des arrivées d’algues sargasses ?

Selon plusieurs chercheurs*, les arrivages de sargasses dans la Grande Caraïbe deviennent une normalité (généralement entre avril et octobre de chaque année), et se développent dans de nouveaux endroits comme en Guyane qui n’était alors que peu touchée par les échouages depuis 2011. Ceci s’explique par les courants qui longent la Guyane et remontent vers les petites Antilles, lesquels ont subi des variations et migré un peu vers l’Ouest. Aussi, les échouages en grande quantité sont plus importants, comme ceux de 2018, année au cours de laquelle la grande ceinture de sargasses de près de 20 millions de tonnes a été enregistrée.

Cette même année, une anomalie dans les échouages (par rapport aux années précédentes) a été détectée, les sargasses portées par les courants en boucle dans le golfe du Mexique ont atteint certaines zones comme l’embouchure du fleuve Mississipi bien plus tôt que prévu dans la « saison des sargasses ».

Mais l’année de tous les records reste 2021, puisqu’une quantité plus importante de sargasses que 2018 a été enregistrée. Alors que la prolifération de mai 2021 était principalement confinée aux Caraïbes et au centre-ouest de l’océan Atlantique, elle s’est également considérablement propagée en juin dans le golfe du Mexique, avec une quantité presque doublée par rapport au mois de mai. Les scientifiques qui travaillent sur la question
comprennent de mieux en mieux le phénomène, l’une des découvertes récentes vient compléter les connaissances : les radeaux que l’on pensait superficiels, peu profonds mais étalés sur une grande surface peuvent en réalité atteindre jusqu’à 10 mètres de profondeur, justifiant ainsi un peu plus les quantités mirobolantes de sargasses qui s’échouent sur les côtes.

Le phénomène est en augmentation depuis 2011 bien qu’il ne suive pas de schéma précis d’évolution : quasiment aucun échouage n’a été noté en 2013.

*Mengqiu Wang, Chuanmin Hu, Brian B. Barnes, Gary Mitchum, Brian Lapointe et Joseph P. Montoya – Université de Floride Sud.

PORTE ENFER MARS-2018
PORTE ENFER-AVRIL-2022-THDEF

Sources

Rapport « Le phénomène d’échouage des sargasses dans les Antilles et en Guayne »
établit par Tristan Florenne, François Guerber et François Colas-Belcour
Ouest France
CNRS

Université de Floride Sud
Fondation Tara Océan
Institut Méditerranéen d’Océanologie
https://www.science.org/doi/10.1126/science.aaw7912