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Fiche 6 : La décomposition et le stockage des sargasses

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La décomposition des algues

La décomposition est un phénomène naturel de dégradation d’une substance organique ou chimique, suivie d’une putréfaction, un processus qui fait intervenir une succession de microorganismes comme les champignons ou les bactéries. Le processus qui prend plus ou moins de temps en fonction de la matière concernée, suit des étapes précises au fil du temps.

La dégradation (ou aérobie) dans un premier temps, est opérée par les micro-organismes et nécessite la présence d’oxygène. Le carbone présent dans les algues est utilisé comme énergie et se transforme en dioxyde de carbone (CO2), c’est le principal mode de dégradation pour les végétaux. La dégradation n’entraîne pas la formation des gaz, et n’est donc pas la cause de l’hydrogène sulfuré libéré par les sargasses.
Vient ensuite le temps de la fermentation (ou anaérobie), un processus complexe qui s’opère en l’absence d’oxygène, pendant lequel de nombreux composés sont réduits en acides organiques et en ammoniac ou en des composés soufrés. C’est la fermentation qui produit des gaz comme le méthane et l’hydrogène sulfuré.

Mais si les sargasses échouées, se dégradent pourtant à l’air libre et donc disposent de l’oxygène nécessaire, la croûte sèche qui se forme lors de la dégradation ralentit l’échange entre les micro-organismes à l’œuvre et cet oxygène indispensable. On observe donc rapidement un changement de condition dans la décomposition des algues, la dégradation laisse place à la fermentation qui devient intense, et l’oxygène qui était emprisonné sous cette croûte sèche est puisée puis transformée pendant le processus en gaz. Ces mêmes gaz caractéristiques de la sargasse et nocifs, à l’origine des problèmes environnementaux, sanitaires et économiques.

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Où stocker les sargasses collectées ?

Si le problème se pose de savoir comment ramasser les sargasses échouées de la manière la plus efficace et la plus respectueuse possible, dans des délais très courts, se pose également celui de savoir où les sargasses, une fois collectées, doivent être stockées. Les échouages massifs d’algues mettent en exergue le manque de sites de stockage partout dans la Caraïbe, alors même que les algues qui peuvent contenir des métaux lourds, et qui libéreront des gaz nocifs au moment de leur décomposition, posent un problème sanitaire et environnemental majeur.

Stockage-Punta-Cana

En moyenne, 90% des sargasses récoltées sont épandues sur des sites d’arrière-plages, sur une couche plus ou moins épaisse, les gaz émis par les sargasses étalées pendant le processus de décomposition sont plus diffus et moins nocifs, la fermentation est moins active. Si des sites de stockages sécurisés sont prévus à cet effet dans les Antilles, l’arrivée massive des sargasses, combinée à une gestion différente en fonction du pays concerné, implique que beaucoup soient stockées sur des sites non officiels, parfois proche de zones environnementales à risque (mangrove, cours d’eau, habitations etc…). À Sainte-Anne en Guadeloupe en 2018, la quantité de sargasses échouées était telle, qu’elles ont été entreposées sur des sites d’arrières-plages proches de mangroves, lesquelles ont été dégradées par les sargasses en décomposition (pollution de l’eau, étouffement des végétations etc…).

Mangrove-envahie

Bien qu’ils soient en majorité peu nombreux face à la quantité d’algues, les sites de stockage des sargasses restent des zones sécurisées, tant au niveau environnemental que sanitaire. Ils peuvent être gérés par les collectivités, ou être privés comme c’est généralement le cas en République Dominicaine ou au Mexique. Mais le ramassage des sargasses coûte cher quelle que soit la technique employée, le transport des algues représente en moyenne un tiers du coût total des opérations de nettoyage. Aussi, beaucoup de ces sites de stockage doivent être situés à proximité des lieux de ramassage. En Martinique, Guadeloupe et en Guyane, l’accent est mis sur les anciennes décharges, puisqu’éloignées des zones à risque. Dans les autres îles de la Caraïbe et aux États-Unis, les sites d’arrières-plages sont privilégiés, ainsi que des sites d’enfouissement des algues.

Stockage-Punta-Cana

L’épandage (généralement agricole) reste la technique la plus répandue à travers la Caraïbe puisqu’elle représente le mode de gestion le plus rapide et le moins coûteux, bien qu’il ne soit pas sans risque. Ces risques environnementaux et sanitaires notamment (puisque les sargasses peuvent contenir des métaux lourds et de l’arsenic) peuvent être palliés si les arrivages de sargasses sont analysés, analyses qui permettront d’envisager la quantité de sargasse par hectare. D’après les premières études (menées dans le cadre de Carib’Agro en 2016), le taux de métaux lourds n’est pas inquiétant puisque présent en faible quantité, et donc respectant les normes (l’arsenic n’est pas pris en compte par cette étude). Un point d’attention doit être porté sur le sodium présent dans les algues, qui peut conduire à une grave salinisation des sols. Le stockage des sargasses en attente d’un épandage n’est pas recommandé, les gaz et les jus produits lors de la fermentation, sont susceptibles de contaminer les zones concernées.

Pour les îles néerlandaises de Bonaire, Saint-Eustache ou de Saba par exemple, le gouvernement recommande vivement de déshydrater et compacter les sargasses sur les sites de stockages surveillés. Si les sargasses sont utilisées en épandage, les couches étalées ne doivent pas mesurer plus de 10 centimètres d’épaisseur. Mais là encore, la solution n’est pas évidente, il faudrait chaque année l’équivalent de 10 stades de football pour étaler les sargasses sur une couche de cette épaisseur. Plus la quantité de sargasses est importante, plus il est compliqué de respecter cette norme.

épandage

Sources

CNRS
Etude sur l’impact environnemental de l’épandage des Sargasses en Guadeloupe,
Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)
http://www.saint-barth-saint-martin.gouv.fr/
Rapport de l’ANSES : Expositions aux émanations d’algues sargasses en décomposition aux Antilles et en Guyane

Ministère de l’Agriculture
ADEME : Algues sargasses, prévention des échouages et perspectives de valorisation
Dutch Caribbean Nature Alliance – Prevention and clean-up of sargassum