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Fiche 12 : Les impacts sur la santé

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Des écoles fermées à cause des sargasses

En mai 2018, le maire de la commune de Petit-Bourg située en bord de mer a pris un arrêté inédit, ordonnant la fermeture de classes des écoles maternelles et élémentaires, ainsi que du collège et du lycée, ce sont ainsi quelques 2000 élèves des huit établissements scolaires concernés qui ont été privés de classe. La veille de cette décision, un relevé de l’ARS (Agence Régionale de Santé) alertait sur le taux élevé d’hydrogène sulfuré dans l’air (6 ppm) à cause des sargasses en fermentation sur les plages alentours. Quelques jours plus tôt, trois écoles subissaient le même arrêté dans la commune de Goyave toujours en Guadeloupe, tandis que le maire lançait un plan massif de lutte contre les sargasses, plan comprenant la délocalisation de l’école de Christophe dans deux autres établissements dans les terres pour sortir les élèves de la première ligne d’exposition aux émanations de gaz.

La même année, dans la commune du Robert en Martinique, toutes les écoles sont restées fermées là encore sur décision de la municipalité pour les mêmes raisons. Sainte-Lucie, la Barbade et la côte ouest du Mexique, autant de territoires concernés dans lesquels les élèves ont à un moment été privés d’école à cause des échouages trop importants.

Suite à ces fermetures en cascade, l’Agence Régionale de Santé a procédé à l’installation de capteurs sur les îles françaises de la Caraïbe, qui quotidiennement relèvent les taux d’hydrogène sulfuré dans l’air sur les littoraux.

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Appareil de mesure du gaz H2S Martinique

Qu’est-ce que l’hydrogène sulfuré et comment se mesure-t-il ?

Ce gaz neurotoxique et corrosif dégagé par les sargasses en fermentation sur les plages est bel et bien dangereux pour les Hommes lorsqu’il est présent dans l’air en grande quantité. Son odeur d’œuf pourri le caractérise, et à très haute dose, il peut être mortel. Il est notamment utilisé dans l’industrie chimique pour la fabrication d’acide sulfurique et sert également dans la production d’eaux lourdes utilisées dans l’industrie nucléaire et métallurgique pour l’élimination des impuretés présentes dans certains minerais.

Le gaz se mesure en ppm, autrement dit en partie par millions c’est-à-dire que l’on mesure le nombre de particules d’hydrogène sulfuré dans un million de particules d’air. Plus le nombre de particules d’hydrogène sulfuré sera élevé, plus il est présent et potentiellement dangereux. Dégagé par les algues, notre système olfactif est capable de le percevoir même en faible quantité (à partir de 0,02 ppm).

Oxidation-monaie-Guadeloupe
Pièce de monnaie oxydée

Quels sont les risques liés à l’exposition au gaz pour les Hommes ?

Les premiers troubles de santé apparaissent aux alentours de 14 ppm d’hydrogène sulfuré et commencent souvent par l’irritation des muqueuses oculaires (conjonctivites) et respiratoires (rhinites ou bronchites), les premières mesures de prévention auront alors déjà été mises en place à l’image des fermetures d’écoles, et il aura été recommandé aux personnes vulnérables (femmes enceintes, nourrissons ou personnes de plus de 65 ans, ceux souffrants d’asthme ou de diabète) d’éviter les zones concernées. En 2018, à Capesterre-de-Marie-Galante en Guadeloupe, 35 familles attendaient d’être déplacées parce que particulièrement exposées aux gaz de fermentation des sargasses, les bateaux ne pouvaient plus circuler face à l’intensité des échouages, un hélicoptère a été mis à disposition en cas d’urgence dans la mesure où l’île a été coupée du reste du monde.

Mais si l’Homme est exposé de manière durable à des taux plus élevés, les symptômes peuvent être plus graves : nausées, oedèmes pulmonaire, convulsions, coma. S’ils n’entraînent pas nécessairement le décès, des séquelles dans les cas les plus graves sont à noter, notamment des troubles neurologiques.

Ces troubles surviennent à partir de 500 ppm, la perte de connaissance est rapide et accompagnée d’un dérèglement du rythme cardiaque, une prise en charge rapide est évidemment nécessaire. Au-delà de 1000 ppm, la mort survient en quelques minutes. En cas de mesures critiques du taux d’hydrogène sulfuré sur les littoraux, les riverains seront amenés à évacuer pour la préservation de leur santé.

Concernant la toxicité chronique, le système nerveux peut aussi être impacté avec de la fatigue, des insomnies, une perte de libido et des troubles de mémoire. Chez les femmes exposées durablement, les avortements spontanés seraient plus élevés. Plusieurs cas de BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive) sont aussi à noter partout dans les Antilles de la Guadeloupe à Saint-Vincent les Grenadines en passant par Cuba.

La maladie liée dans 80% des cas au tabagisme se traduit par des toux et un fort essoufflement, ces symptômes sont régulièrement sous-estimés alors qu’ils peuvent nécessiter une hospitalisation en cas d’aggravation.

Consultation-Guadeloupe

Des risques à noter chez les animaux

Les Hommes ne sont pas les seuls concernés par les risques liés à l’exposition du gaz émit par les sargasses. Les animaux sont également touchés avec des effets beaucoup plus directs et dévastateurs, le gaz agissant directement sur leur système nerveux central. Aussi, de nombreux cas de mort de chats et de chiens ou souffrant de troubles du rythme cardiaque et respiratoires ont été répertoriés partout dans la Caraïbe notamment en 2018, année record avant celle de 2021 en termes de quantités d’algues échouées. L’hydrogène sulfuré produit aussi des lésions cellulaires au niveau de la cornée, du cortex cérébral, du foie et des poumons des animaux.

Les effets systémiques chez les animaux sont donc plus rapides et plus virulents, un chien exposé sera d’abord particulièrement excité, son rythme cardiaque accélèrera dès les premières minutes de l’inhalation, avant l’apparition de tremblements. Son rythme cardiaque ralentira ensuite significativement, entraînant l’arrêt respiratoire puis l’arrêt cardiaque.

Chez les lapins, l’exposition d’une durée de dix minutes à 400 ppm provoquera un arrêt de fonctionnement des cellules de la trachée, ainsi qu’un arrêt des mouvements ciliaires. Chez les autres rongeurs, le foie et les reins seront vite touchés et cesseront de fonctionner, il n’est donc pas possible de parler d’effets chroniques pour ces derniers, ne survivants pas à des expositions modérées à élevées.

Sources

Guadeloupe la 1ère
Martinique la 1ère
Agence Régionale de Santé – Guadeloupe
Agence Régionale de Santé – Martinique

Science et vie
Université des Antilles
Haute Autorité de Santé
Ifmer.org
ANSES